La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules

Publié le 13 Décembre 2015

Genre : Textes courts

Date de parution : 1997

Quatrième de couverture :

"C'est facile, d'écosser les petits pois. Une pression du pouce sur la fente de la gousse et elle s'ouvre, docile, offerte. Quelques-unes, moins mûres, sont plus réticentes - une incision de l'ongle de l'index permet alors de déchirer le vert, et de sentir la mouillure et la chair dense, juste sous la peau faussement parcheminée. Après, on fait glisser les boules d'un seul doigt. La dernière est si minuscule. Parfois, on a envie de la croquer. Ce n'est pas bon, un peu amer, mais frais comme la cuisine de onze heures, cuisine de l'eau froide, des légumes épluchés - tout près, contre l'évier, quelques carottes nues brillent sur un torchon, finissent de sécher.

Alors on parle à petits coups, et là aussi la musique des mots semble venir de l'intérieur, paisible, familière. De temps en temps, on relève la tête pour regarder l'autre, à la fin d'une phrase ; mais l'autre doit garder la tête penchée - c'est dans le code. On parle de travail, de projets, de fatigue - pas de psychologie. L'écossage des petits pois n'est pas conçu pour expliquer, mais pour suivre le cours, à léger contretemps. Il y en aurait pour cinq minutes, mais c'est bien de prolonger, d'alentir le matin, gousse à gousse, manches retroussées. On passe les mains dans les boules écossées qui remplissent le saladier. C'est doux ; toutes ces rondeurs contiguës font comme une eau vert tendre, et l'on s'étonne de ne pas avoir les mains mouillées. Un long silence de bien-être clair, et puis :

- Il y aura juste le pain à aller chercher. »

Mon avis :

J'ai vraiment beaucoup aimé ce recueil. Je me suis plongée dans ces fragments de plaisirs et de découvertes des sens, qui font écho à mon vécu, ma culture et mes souvenirs d'enfance : phrases devenues clés, parfums, paysages et sensations au fil des saisons...

"L'inhalation", "On pourrait presque manger dehors", "La bicyclette et le vélo", "Lire sur la plage"... Ces textes m'ont enchantée : ils sont si bien écrits qu'ils éveillent l'imagination de nos sens et nous procurent de véritables sensations. Ils relèvent d'une philosophie qui nous incite à savourer les petits plaisirs de la vie et le bonheur de chaque instant.

Chapeau à Philippe Delerm qui illustre ici admirablement le pouvoir du livre : celui de raviver les sens et l'histoire personnelle du lecteur, et de susciter chez chacun des émotions propres lui offrant une lecture unique.

Note : Dans la même veine, je recommande deux très beaux recueils du même auteur : La sieste assassinée (2001), et Les eaux troubles du mojito et autres belles raisons d'habiter sur terre (2015).

La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules

Rédigé par Perrine

Publié dans #Nouvelles

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